Oui, le néolibéralisme est responsable de la crise
De manière très intéressante, Le Monde vient de proposer deux tribunes exonérant le néolibéralisme de responsabilité pour la crise. Une superbe illustration de la conversion au néolibéralisme du centre-gauche.
Des arguments ubuesques
Le premier papier consiste en un compte-rendu du point de vue des néolibéraux sur la crise, compte-rendu d’une telle neutralité qu’ils en deviennent plus que complaisants. Les coupables désignés de la crise sont donc les boucs émissaires habituels : les banques centrales qui n’auraient pas augmenté leur taux suffisamment tôt ou les agences de notation qui n’auraient pas fait leur travail. Nicolas Lerassin affirme ainsi qu’ « on a créé les conditions pour que les banques fassent toutes ces bêtises ».
Ce dernier avance même comme explication le fait que l’on a forcé les institutions publiques à prêter aux ménages, ce qui a entraîné la bulle immobilière Américaine. Le problème est que le journaliste ne fait que rapporter des propos sans jamais chercher à en vérifier la véracité. Et dans le cas présent, les propos rapportés sont complètement faux. Dans la phase finale de la bulle immobilière, les agences gouvernementales Fannie Mae et Freddie Mac avaient perdu beaucoup de parts de marché.
Paul Jorion a bien montré dans son livre que ce sont les banques privées, qui, grâce à la déréglementation, ont prêté à n’importe qui n’importe comment. En outre, l’argument des taux est complètement abusif. Les taux longs ne sont pas déterminés par les banques centrales, seulement les taux courts, et il ne faut pas oublier que les taux sont remontés dès 2004 aux Etats-Unis.
Un dogmatisme effrayant
Mais ce n’est rien par rapport aux absurdités pourtant reproduites dans un journal comme Le Monde. Pascal Salin, professeur à Dauphine ose affirmer que « la gravité de la situation actuelle en France, c’est que nous sommes dans un système très pervers où des millions de réglementations existent. Si on pouvait les mettre bout à bout, on s’apercevrait que nous vivons dans un monde presque totalitaire. C’est presque pire qu’un système communiste où, tout au moins, quand on abat le centre, tout s’effondre ».
Ceci a au moins le mérite de montrer à quel point les néolibéraux peuvent être aveuglés par leur croyance. Le meilleur exemple est leur soutien à la privatisation de la Sécurité Sociale qui devrait permettre, selon eux, d’augmenter le taux d’épargne. Mauvaise pioche : c’est en France, pays où la Sécurité Sociale est publique, que le taux d’épargne est le plus haut et aux Etats-Unis, où elle est largement privée, qu’il est le plus bas…
Il est terrifiant de voir des tribunes aux arguments aussi limités publiées dans un journal dit de référence. Et que penser de la tribune d’Aralien qui cherche à démontrer que la solution à la crise n’est pas dans le plus d’Etat par des raisonnements moins convaincants les uns que les autres. Le Monde est-il à ce point convaincu par l’idéologie néolibérale qu’il en abandonne tout esprit critique ?
La crise de l’anarchie néolibérale
Car cette crise est bien une crise de l’anarchie néolibérale. Le premier responsable est la déréglementation monétaire, qui, en confiant au marché le soin d’évaluer le cours des monnaies, a permis un accroissement phénoménal des marchés financiers. En effet, plus de la moitié des échanges financiers (qui représentent près de 50 fois l’économie réelle), sont des échanges portant sur les monnaies.
Puis vient la déréglementation commerciale, qui, en mettant sous pression les bas salaires tout en permettant aux plus hauts de progresser beaucoup plus rapidement a créé une tension sur les marchés immobiliers. Les ménages aisés ont entretenu la hausse des prix alors que les ménages modestes ont été contraints d’emprunter des sommes délirantes par rapport à leurs revenus pour pouvoir payer leur logement.
Et c’est là que la troisième pierre intervient : la déréglementation financière a permis aux banques de prêter dans des conditions complètement aberrantes tout en faisant disparaître apparemment le risque, alors qu’il était seulement devenu invisible. À la base de tout, il y a cette croyance que le marché est capable de correctement évaluer un prix ou un risque alors que le passé montre bien les limites de son jugement.
Le combat contre la pensée néolibérale n’est pas fini. Les défenseurs du système ont trouvé des boucs émissaires pour éviter tout changement. Pourtant, c’est bien le néolibéralisme qui est responsable.
Laurent Pinsolle, porte-parole de Debout la République